Vous aurez compris que le titre de ce blog est volontairement provocateur."Qui aime bien, châtie bien"
Il reprend l'esprit d'un édito d'Isabelle Muznik, directrice des contenus et de la rédaction d' INfluencia
Le billet d'aujourd'hui fait suite à l'annonce du lancement de la campagne de publicité pour le soutien de la librairie.
- "Et si c'était vrai ?"
Didier Grevel, délégué général de l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) de préciser que les objectifs sont : de "défendre l'avenir et la fréquentation des librairies" et de "faire prendre conscience aux lecteurs qu'ils contribuent par leurs visites et leurs achats à rendre vivant un modèle culturel unique".
Jusque-là, tout va bien.
Cependant, si l'on peut se réjouir d'une aussi belle opportunité de communiquer à grande échelle sur notre métier, on ne peut que regretter l'image sérieuse, élitiste qui s'en dégage.Dans mon premier billet, je posais deux questions dont la suivante : "pourquoi la librairie attire-t-elle de moins en moins de clients ?"
Je ne pensais pas que cette campagne de publicité lancerait aussi bien le débat.
Comment imaginer donner une image plus "classique" de la librairie du XXIe siècle ?
Tout y est : image et slogans. Et nous en sommes encore à justifier notre rôle.
Cependant, on peut aussi regarder par l'autre bout de la lorgnette :
"Et si c'était vrai ?", cette publicité reflèterait-elle réellement l'image de la librairie d'aujourd'hui... ?
Si oui, c'est justement là le problème.
La librairie doit entamer sa révolution, sa mutation et changer son image "vieillotte".
Cette librairie-là reflète-elle le commerce d'aujourd'hui ?
Sur cette photo, il n'y a qu'un seul client (serait-on proche de la réalité ?), on ne voit pas le libraire (serait-on toujours proche de la réalité ?), nul conseil mais un livre tendu sans vraisemblablement d'échange, puisque la cliente est occupée à choisir dans un rayon (serait-on encore et toujours proche de la réalité ?), et enfin nul mention du livre numérique, de l'achat en ligne...etc. (serait-on..., désolé je n'ai plus d'adverbe).
Ou alors, peut-être est-ce réellement l'image que le libraire souhaite donner de son magasin : des tables et des étagères chargées de livres; et de son service client : plus vite que son ombre, il lit dans vos pensées et vous conseille en vous tendant son livre sans même converser avec vous ?
Quid de la rencontre et de l'échange ?
Quid d'un commerce, d'une librairie "tendance", branchée, connectée devrais-je même dire ?
Nous sommes donc bien loin de l'image d'un commerce, d'une librairie de proximité, ouverte, accueillante, fun et interactive !
- "...si mon libraire n'est plus là..." et ..."Il suffit de..."
En tant que professionnel du livre, je connais et comprends la situation économique difficile de la librairie et donc la nécessité de communiquer.
Au contraire, bravo pour cette initiative.
Mais je suis déçu de constater que cette publicité passe à côté des clients et les juge, ce qui risque d'accentuer l’hémorragie.
A côté de la plaque ! nous dit même Valérie De Marchi sur son blog Au coin du livre.
Mais d'ailleurs, est-ce une communication pour le client ou pour le libraire ?
Comment peut-on une seconde imaginer convaincre un client d'entrer dans une librairie avec une telle image et un tel slogan ?
La culpabilité est un des sept pêchés capitaux...
Rendre le client coupable de l'éventuelle et potentielle disparition de la librairie si celui-ci ne daigne pas acheter chez lui est inimaginable.
- Être orienté client
L'image du client qui vient "parce que c'est comme ça" (d'ailleurs il ne vient plus) est finie. Il faut maintenant déployer une énergie et une image extrêmement puissante pour l'attirer, le séduire, l'accueillir, le prendre en compte, lui sourire, rire avec lui, écouter ses doléances, ses goûts, ses propres conseils de lecture, interagir avec lui, être ami, que sais-je encore..., adapter ses nombreux services en vue de le satisfaire, bref être "orienté client" !
Quand le libraire acceptera-t-il de désacraliser le livre, la librairie et lui-même au passage, d'arrêter de donner des leçons de conduite et d'accuser le client potentiellement d'être responsable de sa disparition ?
Des conseils, oui, des leçons, non !
Il en va pourtant de sa survie...
Car rappelons-le :

V.