La librairie est morte, vive la... ?

La quoi ?
Le monde de la librairie vit une mutation sans précédent, le commerce électronique et la dématérialisation du livre .
Comment les libraires doivent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ?
Si la librairie d'aujourd'hui est morte, alors quelle sera-t-elle demain ?

samedi 30 juillet 2011

Pourquoi les clients désertent-ils la librairie, 1ère partie : "...au secours des libraires... ou "au secours ! des libraires !"

"Qui aime bien, châtie bien"
Vous aurez compris que le titre de ce blog est volontairement provocateur.
Il reprend l'esprit d'un édito d'Isabelle Muznik, directrice des contenus et de la rédaction d' INfluencia

Le billet d'aujourd'hui fait suite à l'annonce du lancement de la campagne de publicité pour le soutien de la librairie.

  • "Et si c'était vrai ?"
500 000 € serait le coût de cette campagne de publicité lancée cet été par le SLF, le SNE et l'ADELC...
Didier Grevel, délégué général de l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) de préciser que les objectifs sont : de "défendre l'avenir et la fréquentation des librairies" et de "faire prendre conscience aux lecteurs qu'ils contribuent par leurs visites et leurs achats à rendre vivant un modèle culturel unique".
Jusque-là, tout va bien.
Cependant, si l'on peut se réjouir d'une aussi belle opportunité de communiquer à grande échelle sur notre métier, on ne peut que regretter l'image sérieuse, élitiste qui s'en dégage.Dans mon premier billet, je posais deux questions dont la suivante : "pourquoi la librairie attire-t-elle de moins en moins de clients ?"
Je ne pensais pas que cette campagne de publicité lancerait aussi bien le débat.
Comment imaginer donner une image plus "classique" de la librairie du XXIe siècle ?
Tout y est : image et slogans. Et nous en sommes encore à justifier notre rôle.

Cependant, on peut aussi regarder par l'autre bout de la lorgnette :  
"Et si c'était vrai ?", cette publicité reflèterait-elle réellement l'image de la librairie d'aujourd'hui... ?
Si oui, c'est justement là le problème.
La librairie doit entamer sa révolution, sa mutation et changer son image "vieillotte".
Cette librairie-là reflète-elle le commerce d'aujourd'hui ?
Sur cette photo, il n'y a qu'un seul client (serait-on proche de la réalité ?), on ne voit pas le libraire (serait-on toujours proche de la réalité ?), nul conseil mais un livre tendu sans vraisemblablement d'échange, puisque la cliente est occupée à choisir dans un rayon (serait-on encore et toujours proche de la réalité ?), et enfin nul mention du livre numérique, de l'achat en ligne...etc. (serait-on..., désolé je n'ai plus d'adverbe).
Ou alors, peut-être est-ce réellement l'image que le libraire souhaite donner de son magasin : des tables et des étagères chargées de livres; et de son service client : plus vite que son ombre, il lit dans vos pensées et vous conseille en vous tendant son livre sans même converser avec vous ?
Quid de la rencontre et de l'échange ?
Quid d'un commerce, d'une librairie "tendance", branchée, connectée devrais-je même dire ?
Nous sommes donc bien loin de l'image d'un commerce, d'une librairie de proximité, ouverte, accueillante, fun et interactive !

  •  "...si mon libraire n'est plus là..." et ..."Il suffit de..."
Du jamais vu : lancer une publicité avec une négation dans le slogan.
En tant que professionnel du livre, je connais et comprends la situation économique difficile de la librairie et donc la nécessité de communiquer.
Au contraire, bravo pour cette initiative.
Mais je suis déçu de constater que cette publicité passe à côté des clients et les juge, ce qui risque d'accentuer l’hémorragie.
A côté de la plaque !  nous dit même Valérie De Marchi sur son blog Au coin du livre.
Mais d'ailleurs, est-ce une communication pour le client ou pour le libraire ?
Comment peut-on une seconde imaginer convaincre un client d'entrer dans une librairie avec une telle image et un tel slogan ?
La culpabilité est un des sept pêchés capitaux...
Rendre le client coupable de l'éventuelle et potentielle disparition de la librairie si celui-ci ne daigne pas acheter chez lui est inimaginable.

  • Être orienté client

L'image du client qui vient "parce que c'est comme ça" (d'ailleurs il ne vient plus) est finie. Il faut maintenant déployer une énergie et une image extrêmement puissante pour l'attirer, le séduire, l'accueillir, le prendre en compte, lui sourire, rire avec lui, écouter ses doléances, ses goûts, ses propres conseils de lecture, interagir avec lui, être ami, que sais-je encore..., adapter ses nombreux services en vue de le satisfaire, bref être "orienté client" !
Quand le libraire acceptera-t-il de désacraliser le livre, la librairie et lui-même au passage, d'arrêter de donner  des leçons de conduite et d'accuser le client potentiellement d'être responsable de sa disparition ?
Des conseils, oui, des leçons, non !
Il en va pourtant de sa survie...

Car rappelons-le :

 

V.

14 commentaires:

  1. Cela fait plaisir de vous lire et de voir votre image de la librairie en tant que professionnel. Je suis tout à fait d'accord avec vous. je pense qu'être orienté client fera la différence avec la vente en ligne, c'est une sorte de plus-value par rapport à l'achat d'un livre en ligne. Tout comme le côté "animé" d'une librairie : lectures, rencontres auteurs etc.

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  2. Je suis volontaire pour tenter quelques expériences in situ avec des libraires entreprenants pour observer leurs clients et leurs non clients qui passent devant leur boutique et :
    -Ouvrir la librairie sur la rue
    -Ouvrir la librairie sur le monde des loisirs (le livre n'est pas que culture, -Il est aussi loisir. C'est un gros mot ?)
    -Réinventer le merchandising
    -Apporter un forte valeur d'ambiance
    -Proposer une offre numérique et la faire découvrir
    Nous avons quelques pistes avec Vincent ;-)

    Fabrice

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  3. A "Au coin du livre"
    Cela ne me fait pas plaisir d'être aussi dur avec la profession de libraire. Mais c'est du vécu.
    L'orientation client ne veut pas dire mettre le livre de côté... bien au contraire. Mettre en place une stratégie cross canal de la vente : en ligne et in situ. Quant à l'animation, il faut voir plus large, des lectures, des rencontres oui, mais bien d'autres choses encore ! :-)

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  4. A Fabrice
    Tout d'abord merci de ce commentaire ! Cela fait deux volontaires pour une analyse terrain des attentes des clients dans les rues . ;-)
    Tu as raison quant aux pistes à explorer...
    Mais dire, c'est faire : avis aux amateurs.
    Qui osera révolutionner le monde de la librairie ?
    Ces pistes feront l'objet d'un prochain livre... ;-)

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  5. En effet, bravo pour l'initiative qui, à la base est une bonne idée. Dommage que le message véhiculé s'apitoie sur le sort des pauvres libraires au lieu de vanter leur chaleureux et utiles atouts. Je me suis déjà exprimée sur le blog d'"Au coin du livre" (Camille) et n'ai toujours pas changé d'avis !

    En tant que libraire, j'ai conscience que le métier est en pleine mutation d'où le fait d'avoir en charge un site livre papier et numérique, une page facebook, un compte twitter etc...

    J'incite d'ailleurs tous les libraires à prendre conscience de cette réalité, surtout lorsque je vois, sur le net, le nombre inimaginable de commentaires où le libraire est synonyme de poussiéreux !

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  6. Bonjour Aline (Camille), je crois effectivement qu'il est temps d'assumer cette "vieille image" et de la changer radicalement. Voir d'ailleurs les commentaires sur le site Actualitté : http://www.actualitte.com/actualite/27282-librairie-soutien-campagne-edition-reseau.htm qui donnent un petit exemple de la réalité...
    Pour ma part, d'ailleurs, je suis allergique à la poussière ! ;-) V.

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  7. votre analyse est juste, mais je crois que le problème est encore plus profond et qu'on ne le résoudra pas avec des campagnes de pub, même réussies...

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  8. Pour moi le problème vient surtout du fait que tant que nous n'aurons pas compris qu'une entreprise culturelle est une entreprise comme une autre et de ce fait que les sociétés qui ne s'adaptent pas meurent, les libraires auront en effet du soucis à se faire. La question est donc, avant tout, de savoir comment changer les mentalités. Et là, c'est pas gagné !! Mais pas impossible...

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  9. A Gilles
    Je reste optimiste. Bien sûr qu'une pub ne suffit pas. Il y a un réel travail en profondeur à effectuer au sein des librairies, des bibliothèques et même des éditeurs pour s'adapter aux exigences du client final. Encore faut-il le connaitre... Je crois au numérique mais pas au tout numérique, et je pense que l'avenir passe en partie par notre capacité à "manager" le client.

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  10. A Aline
    Une entreprise culturelle n'est pas une entreprise comme les autres. Elle l'est par ses contraintes d'exploitation mais la finalité n'est pas qu'économique. Là est une différence, à mon sens, primordiale.
    Trouver l'équilibre, là est le vrai challenge.
    Mais je suis d'accord, les mentalités sont difficiles à changer, et, par expérience à la direction de librairie, j'en sais quelque chose... ;-)

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  11. Bien évidemment que la finalité n'est pas qu'économique, heureusement. La librairie est surtout un lieu d'écoute aussi bien en ce qui concerne les sujets liés aux livres que la vie plus personnelle des clients. Un lieu de rencontre, de rire, d'anecdotes, d'apprentissage et j'en passe. Mais nous savons très bien que le libraire ne vit pas que d'amour et d'eau fraîche.
    Pour le coup, j'ai hâte de livre votre livre ;)
    J'aime assez bien l'idée de "manager" le client.
    Reste à savoir ce que vous entendez pas "manager"...

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  12. A Aline
    Je ne vais pas tout vous révéler ;-)
    On entend souvent par "management" la gestion et l'organisation d'une entreprise, d'une équipe...etc.
    Cependant comme tout mot, la définition évolue avec le temps et les gens.
    Sur Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Management), je retiens ceci : prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler. Si je ramène cela à Apple, c'est assez troublant. Si l'on ramène cela au libraire, je pense qu'il y a des compléments intéressants et différents à déployer.
    La dimension essentielle du management, c'est l'humain. Comment ré-insuffler de l'humain dans la relation au client ? L'écoute active par exemple peut être une piste... Ecoute active, empathie avec le client... Pour moi, c'est cela l'orientation client !

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  13. En parcourant votre billet je me rend compte d'une chose intéressante. Etant blogueur et choisissant mes lectures sur un avis (fortement) argumenté, je n'ai pas exactement la même vision des choses que vous. Par exemple, si j'apprécie bien entendu le contact humain, véritable, hors du cadre du net, mon rapport avec le libraire est plus ténu qu'il pourrait l'être avec d'autres personnes, moins "informées" que moi par exemple.
    En revanche je pense avoir un rapport affectif direct avec l'objet livre, et n'ayant pas encore eu l'occasion d'expérimenter sérieusement une liseuse numérique, je suis loin de déserter les librairies. Ce qui ne m'empêche pas de trouver l'accueil parfois un peu guindé.

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  14. A GiZeus
    Effectivement c'est intéressant. Mais c'est le "ténu" et le "guindé" qui attirent mon attention ici. Si je comprends bien, vous prenez conseil sur un blog et allez acheter en librairie. Mais dites-vous que d'autres achètent sur Amazon... Ce que je veux dire, hors de l'objet livre, c'est que les clients sont de plus en plus démotivés par ces "ténu" et "guindé" et passe le pas de la librairie, ce qui risque de la faire disparaitre...
    Autre question, pourquoi ne demandez-vous pas conseil au libraire ?

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