La librairie est morte, vive la... ?

La quoi ?
Le monde de la librairie vit une mutation sans précédent, le commerce électronique et la dématérialisation du livre .
Comment les libraires doivent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ?
Si la librairie d'aujourd'hui est morte, alors quelle sera-t-elle demain ?

mercredi 30 novembre 2011

Pourquoi la librairie attire-t-elle de moins en moins de clients, 2ème partie : de l'inadéquation du vendeur et du libraire

Proverbe chinois : "L'homme qui ne sourit pas ne doit pas ouvrir boutique"
 
J'ai relu toutes les définitions de vendeur en librairie que j'ai citées dans mon essai sur l'adaptation de la librairie à la dématérialisation du livre.
J'y suis revenu à la suite d'une expérience forte intéressante. On m'a demandé de faire partie d'un jury pour lire les rapports d'apprentis vendeurs conseils en librairie et de participer aux soutenances.
Un détail m'a immédiatement sauté aux yeux : les vendeurs en librairie sont-ils des vendeurs ?
Sur tous les rapports que j'ai lus et toutes les soutenances que j'ai suivies, plus de 75% des contenus traitaient de la gestion. Les flux entrants (office, réassort, opérations commerciales...) et flux sortants (les retours), et ce quelque soit l'expérience vécu par l'apprenti : petite et grande librairie, indépendante ou non.
Cela me rappelle les séminaires organisés entre directeurs de librairie que j'ai vécu ces dernières années dans un grand groupe : "les objectifs sont clairs : réduire les achats et augmenter les retours !" 
"Un seul mot d'ordre : gérer !"
Je pense que le décalage que j'ai vécu depuis des années dans ce métier tient à 6 lettres : client.
Lors de ces soutenances, de ces séminaires, rarement nous abordions pourtant l'essentiel de notre métier : le client.
Je me souviens encore à essayer de convaincre les directions d'exploitation, marketing, logistique  et les libraires de prendre en compte le client. Car entre l'achat et les retours, il y a la vente. Et la vente passe par le client. L'arrivée de l'informatique en librairie et l'évolution du commerce de "je sers le client" des 30 Glorieuses au "libre service" de ces dernières décennies" nous ont trop orienté "gestion".
Toute la partie cachée de l'iceberg : logistique, gestion des flux doit rester cachée. Pensez-vous qu'il importe au client de savoir que votre point de vente est bien géré ? Pensez-vous que les termes achats, retour, rotation, le passionnent ? Par ailleurs, nous nous sommes trop préoccupés de ce que les éditeurs et nous, voulions vendre aux clients. Mais le client, lui, que veut-il qu'on lui vende ?
Le client, plus que chercher, souhaite trouver ! De plus en plus, il cherche une réponse personnalisée. D'ailleurs, l'internaute utilisant Google ne cherche pas, il trouve. En clair, le client veut une réponse à sa demande, à sa question, à son désir d'acheter. 
Et comme le disait Neil Gayman :
  Remplacez le mot "bibliothécaire" par "libraire" et le tour est joué.
La meilleure manière de gérer ses stocks, de les faire baisser, ce n'est pas de retourner, c'est de vendre. C'est d'ailleurs la définition même du commerce. Et pour baisser les stocks, il sera toujours plus vertueux de vendre et donc répondre aux besoins des clients.
Et d'ailleurs, un vendeur, c'est quoi ?
Et le client, lui, que vient-il chercher en librairie ? Un livre, un conseil ?
En résumé, vient-il chercher un produit ou un service ?
Les 2, mon capitaine !
Et que vient-il "trouver" ?
Il me semble que la question est pertinente puisqu'elle s'applique, me semble-t-il, également à l'e-commerce et donc à la dématérialisation du livre comme nouveau canal de vente...
 Accueillir le client, identifier ses besoins et le conseiller sur les produits et services pour qu'ils soient vendus : voilà le vendeur conseil en librairie de demain. 
Tiens, mais on a rien inventé donc... Reste aux instances dirigeantes de la librairie de donner de la disponibilité au conseil et à la vente.
L'e-commerce et la dématérialisation vont faire bouger les lignes plus profondément. Le vendeur conseil doit certainement être libéré de nombreuses tâches de manutention (accueil représentant, rangement, retour...), les faire hors surface de vente ou à des heures de fermeture. Le vendeur doit être exclusivement tourné vers le client et sa satisfaction. C'est pourquoi dans mon livre je parle même de conseiller, de coach de vente : écoute, accompagnement, personnalisation de la relation.
L'e-commerce, la dématérialisation sont des services d'aide à la vente. Le vendeur conseiller doit les utiliser comme des outils de vente supplémentaires. Reste aux directions à organiser la logistique et les ressources humaines, bref l'ensemble des services de l'entreprise en fonction. Si la librairie devient peu à peu un showroom, le vendeur conseiller doit pouvoir être récompensé sur ses ventes en ligne et pas seulement en magasin...
Ce qui revient à dire, que l'entreprise devient globale, et les différents canaux de vente ne doivent plus se "concurrencer". Car encore une fois, pour le client, que vous soyez en magasin, derrière un écran ou au téléphone, il s'adresse à votre entreprise pour obtenir satisfaction dans sa démarche d'achat.
Bien sûr que c'est difficile, mais dites-vous que votre seul et unique objectif est que votre client, en magasin, chez lui, devant son PC, dans la rue avec son smartphone, dites-vous que ce client doit dans tous les cas terminer son achat avec un sourire de satisfaction. Et plus vous aurez le sourire, plus votre client aura le sourire et plus votre chiffre d'affaire progressera.
Autrement dit, plus que commissionner les vendeurs sur le CA, je suggère d'avoir pour objectif la satisfaction du client et de la mesurer. Il est donc impératif de réfléchir à des indicateurs de satisfaction.
Un petit mot sur les 5 règles d'or en tête de ce billet. J'ai découvert il y a quelques années cette affiche au fin fond du Québec. Elle m'a appris que nous avions des tâches quotidiennes parfois désagréables. Mais avec un peu de bonne humeur, d'humour et le sourire aux lèvres, ces tâches se réalisent dans de bien meilleures conditions. Il en va de même au travail. Et vous constaterez qu'immédiatement votre entourage bénéficie de cette bonne humeur.
Tiens, et qui s'exercerait à lister les 5 règles d'or du service client en librairie ? ;-)

V.

11 commentaires:

  1. pas 5 règles d'or mais tel que je le vois..
    le sourire évidemment, la compréhension, la "complicité", un échange, une discussion..
    faire en sorte (je crois), non pas de vendre un livre mais le livre qui conviendra au lecteur, à ce lecteur - pas à un client.
    mais il se peut que je me trompe.. je débute..

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  2. Je suis bien d'accord avec toi. Les formations se sont axées sur les besoins de libraires : ils savaient donner envie de lire, ils voulaient savoir gérer leur entreprise et leur stock. Cet objectif qui était indispensable a bien été rempli, il faut maintenant qu'ils soient meilleurs sur la transformation de l'envie de lire en vente dans leur magasin, bref comment passer de la médiation, la communication, la "curation" (mot à la mode pour la veille) à la vente. Cet aspect n'est pas oublié par la formation de référence que donne l'INFL - j'en suis diplômée et jury de mémoire : il y a bien une épreuve de vente en librairie. Mais il faut accentuer la formation sur ce plan je suis bien d'accord.

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  3. Peut-être :

    On accueille le client avec un grand bonjour...
    On lui propose de l'aider, le sourire aux lèvres...
    On empile ses achats dans la bonne humeur...
    On lui donne l'au-revoir bonne journée, dans la gaieté...
    On gigue allègrement derrière la caisse enregistreuse !


    Mais comment le réussir dans le e-commerce ? :-)
    B. Majour

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  4. Le modèle préconisé existe déjà dans certains points de vente de taille assez significative pour les tâches soient réparties au sein du personnel selon les fonctions de chacun (travail en présence du public ou non.) Dans une librairie de petite taille, une librairie de quartier disons, avec deux libraires disons, effectuant toutes les tâches nécessaires au fonctionnement de la boutique, il semble difficile de ne se consacrer qu'à la vente ne pesnez-vous pas ? Par ailleurs, l'entretien avec le représentant, l'organisation physique de l'assortiment en vue de l'animer, permettent de rester au contact des livres, de s'en remémorer le contenu, de pourvoir mieux en parler... Vous décrivez une situation en apparence idéale, car le vendeur mickey moi, je n'en veux pas en tant que cliente, et je ne veux pas endosser son costume en tant que libraire.

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  5. Je me suis plié à l'exercice et j'en ai fait un billet : http://promolivre.blogspot.com/2011/12/les-5-regles-dor-du-service-client-en.html :)

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  6. le commerce du livre neuf , d'occasion , ancien par le biais du net ou par une boutique pose en 1er la regle du professionnalisme ; je vends sur le net et je fidelise ma clientele par la description exacte du livre , la rapidite d'expedition l'ecoute aux questions posees ; combien de fois suis je rentrer helas chez des libraires de neufs ou je voyais devant moi un etal de best sellers et à cote peu ou pas grand chose J'espere ne pas vous avoir tue le moral bye bye gerard

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  7. Moi non plus le "Mickey" genre SBAM je n'en veux pas! Je veux avoir à faire à quelqu'un de normal, naturel et surtout avec des neurones et un minimum de culture générale (ça, c'est le plus rare en dessous de 65 ans!:-))Et qui me foute la paix si je ne lui demande rien.
    Je bosse en librairie, nos directeurs successifs nous bassinaient avec l'accueil client mais ne l'appliquaient que rarement: ton cassant, énervé et réflexions du genre: oui ben le client il n'a qu'à...par derrière. Les plus bobos étant d'ailleurs les moins amènes sur le terrain.
    Si on est poli, le client on le traite bien, et si on est heureux dans son boulot, ça se voit et ça se partage. Pas besoin de coaching pour ça.

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  8. Merci Jeanne, mais je suis toujours surpris de la distinction que l'on fait entre le lecteur et le client.
    Une personne qui se trouve dans une librairie est un lecteur, donc potentiellement un client.
    J'aime bien votre idée du "Le" mais ne peux m'empêcher de penser "Les" ;-)

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  9. Sophie, accentuer sur la vente, oui, mais sans oublier la satisfaction client. La question de la satisfaction client est beaucoup plus complexe qu'avant en raison des différents canaux de vente qui sont offerts aux clients...
    C'est quoi satisfaire le client en librairie... ?

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  10. A B. Majour, Merci ! Je pense qu'avec ces règles vous giguerez souvent... ;-) Peut-être est-ce le début d'un atelier danse...
    Vous posez cependant une bonne question, comment s'y prendre sur le web ?
    Et bien à vous d'adapter vos règles à l'univers du web.
    Est-ce si différent de "naviguer" en magasin ou sur votre site internet ?
    Le client/lecteur a les mêmes démarches qu'un client en magasin sauf que l'interface change. Certains veulent trouver rapidement, se faire livrer ou réserver, d'autres "se promènent" dans vos différents menus à la recherche de la perle rare... Et je rejoins Gérard : professionnalisme ! Ceux qui réussissent sont aussi ceux qui osent, qui font des choix, les présentent et font tout pour les vendre ! La description est importante, elle participe aussi à votre référencement. J'aime beaucoup aussi le service de Gérard : des réponses aux questions des clients. Service qui se développe beaucoup en bibliothèque... "Vous cherchez ? Nous trouvons !"

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  11. Mickey,
    Je ne pense pas qu'il soit difficile de ne se consacrer qu'à la vente. C'est souvent une question d'organisation.
    Je suis consommateur, comme tout le monde, et voir un magasin embouteillé par des cartons et être obligé de "déranger" un vendeur en train de déballer me gênent... Et on ne peut lui en vouloir d'ailleurs de ranger son rayon pour offrir au client son assortiment... Comment faire ? Serais-je contraint d'aller voir ailleurs ?
    Et le SBAM naturel, ça existe !
    En revanche, je suis d'accord avec vous, la démarche client doit être globale. Chacun doit se poser la question, à son niveau dans l'entreprise, de la satisfaction client. En tant que directeur, est-ce que j'organise tous les processus en vue de satisfaire les clients. Et cela peut être en management d'équipe : comment aider mes collaborateurs dans leur bien-être au travail et donc à l'accueil du client/lecteur ? Savoir écouter ses équipes. Souvent, ce sont elles qui ont les réponses... Il faut donc parfois créer les conditions "d'être bien dans son boulot..."

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